jeudi 17 novembre 2016

Le goût du large - Nicolas Delesalle



Quatrième de couverture:


"Le temps: tout était là dans ces cinq lettres, cette simple syllabe. J'allais soudain en être riche, ne plus courir après, le nez rivé sur l'ordinateur, le téléphone. Pendant neuf jours, j'allais devenir un milliardaire du temps,  plonger les mains dans des coffres bourrés de secondes, me parer de bijoux ciselés dans des minutes pures, vierges de tout objectif, de toute attente, de toute angoisse. J'allais me gaver d'heures vides, creuses, la grande bouffe, la vacance, entre ciel et mer."

De l'inaccessible Tombouctou à la mélancolique Tallinn, entre une partie d'échecs fatale dans un hôtel russe et un barbecue incongru à Kaboul, des clameurs de la place Tahrir au fin fond d'un trou dans l'Aveyron... C'est le roman d'une vie et de notre monde que raconte Nicolas Delessalle, le temps d'une croisière en cargo.

Quelques infos:


Date de parution: Janvier 2016
Editeur: Préludes
Pages: 312

Pourquoi j'ai choisi ce livre:


Je suis tombé dessus par hasard dans ma librairie, le résumé m'a plu! Tout simplement!

Mon avis:


Nicolas Delesalle part en voyage sur un cargo qui l'emmènera du port d'Anvers à celui d'Istanbul. Le confort est spartiate sur ce monstre des mers mais c'est l'occasion pour lui de s'offrir "une cure de déconnexion ou plutôt une cure de reconnexion avec la nature, les éléments et peut être avec moi même"  Il écrit, replonge dans ses souvenirs et nous raconte les péripéties vécues lors de ses reportages. 

Ce n'est donc pas vraiment un récit de voyage mais plutôt une compilation d'anecdotes. Les moments de repos contemplatifs alternent avec ses souvenirs. C'est qu'il a une vie riche Nicolas Delesalle. Il nous emmène avec lui en Afrique, en Afghanistan dans des lieux de guerre où il ne fait pas bon aller se balader. Et c'est une belle leçon d'humanité qu'il nous offre ici. Car "dans les zones de conflit, les relations humaines se nouent plus brutalement qu'ailleurs, les gens donnent et reçoivent beaucoup."

J'ai vraiment apprécié cette lecture, je ne connaissais pas ce reporter et j'ai aimé la personnalité qui transparaît sous cette jolie plume. C'est quelqu'un de profondément humain qui raconte ses histoires avec beaucoup de sincérité, s'attachant essentiellement aux rencontres que ce soit avec ses compagnons de voyage ou avec les autochtones. Malgré les désastres, malgré l'horreur de la guerre, il s'attache à trouver la petite flamme qui brille, l'étincelle de vie là où tout est sombre.
J'ai particulièrement apprécié son écriture, il a un style parfois poétique, parfois caustique. L'humour est présent par petites touches ça et là, même dans des situations dramatiques. Le message n'en est pas moins percutant.

Un vrai coup de cœur donc pour ce livre qui offre un panorama des situations de conflit actuel vu à travers les yeux lucides et bienveillants d'un philanthrope. 

Extrait:


Le courage, la lâcheté, la peur, l'insouciance ne sont peut être que des états quantiques finalement, des images floues qui dépendent des circonstances, des interprétations, du statut de l’observateur et qui changent tout le temps, à toute vitesse. On prête aux gens des traits de personnalité sur la fo d'impressions, on interprète les caractères d'un visage, un menton "volontaire" un nez petit qui "trahit un caractère peu affirmé" ou bien plus simplement à la lumière d'une expérience en apparence décisive, "j'ai vu sa réaction, il n'a pas flanché, on peut lui faire confiance", "elle a crié, c'est une petite nature", ces micro jugements souvent jamais exprimés ailleurs que dans le silence intérieur ou bien dans le dos des intéressés et dans les ricanements entendus, "c'est un coureur", "elle est ambitieuse", "il n'a pas de couilles", mais qui définissent, figent étiquettent et sérient. Ils ne sont pour la plupart du temps que des images arrêtées, de petits blocs flous figés par le flash d'un regard biaisé où aucune vérité ne se cache, de faux panneaux rassurants mais qui n'indiquent rien d'autre qu'un chemin parmi mille autres possibles.

Citations:


On ne devrait peut être pas trop s'approcher des choses qu'on imagine. On devrait les laisser au loin, intactes.

Certaines personnes ont une étincelle étrange dans les yeux quand ils vous écoutent, ils me font penser à ces téléviseurs en mode veille dont le voyant rouge témoigne d'une vie intérieure intense. avec le temps, j'ai appris à reconnaître dans cette lueur les signes de la bienveillance.

Sur le cargo MSC Cordoba, je revis chaque jour la leçon apprise auprès de Spyros: renoncer à l'efficacité pour profiter de la beauté. Ne pas courir partout sur le navire afin d'en connaître chaque recoin. Juste s'asseoir sur le pont et regarder la mer danser dans les lueurs du couchant sans plus penser à rien.



Challenge Coupe des 4 maisons: Journal de Jedusor, un livre biographique ou un témoignage, 20 points

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire